La première paire de pointes est un moment sacré. Elle concrétise la maîtrise et la maturité de la technique. Rien n'est plus gratifiant que de les enfiler.
Cependant, la première répétition tant attendue peut virer au cauchemar. Le ruban craque, l'élastique ne maintient pas le chausson et ce dernier se convertit en un douloureux sabot peu malléable et disgracieux. On se presse alors de plier la semelle et d'écraser l'empeigne pour remonter dessus au plus vite. Les pas s'enchaînent et les pieds font moins souffrir. Mais les chaussons n'ont plus l'éclat ni la beauté du premier jour. Ils ne soutiennent plus les pieds, ils dégradent la danse et affaissent le moral.
Le rêve aura peu duré. C'est toute la particularité de la pointe. Sa durée de vie dépend certes de sa qualité mais aussi de son entretien et surtout du pied qui la chausse. Tel un ballet, tissons à travers les actes une préparation et un entretien des pointes.
Le prologue - La préparation des pointes
Le prélude à la maîtrise des pointes est la couture. Une entrée en matière souvent reléguée à nos mères, voire à la boutique de retouches du quartier...
Où placer ses rubans ?
L'arrière du chausson ou le tissu sont repliés à l'intérieur du chausson. L'emplacement des rubans se situe au niveau de la pliure, de part et d'autre.
Les points de couture sont petits et forment un carré sur l'extrémité du ruban ainsi qu'à l'intérieur du chausson.
Pour les amateurs de la machine à coudre, utilisez le point couture ou le point zigzag. Cependant la couture ne doit pas empêcher au cordon de serrage de coulisser.
Et l'élastique ?
L'apport d'élastiques est nécessaire pour le maintien du chausson. Ils sont généralement situés à l'arrière du chausson et s'enroulent autour de la cheville. Ils peuvent aussi être cousus en croix comme sur les 1/2 pointes. Les points de couture peuvent être fait à l'extérieur du chausson pour éviter tout risque de frottement. Pour les danseuses qui ne souhaitent pas de rubans, les chaussons peuvent être uniquement maintenus par des élastiques. Prévoyez des élastiques d'une largeur conséquente cousus en croix et un troisième enroulant la cheville.
Quelle matière utiliser ?
Le satin va attirer la lumière sur le cou-de-pied, mais il est parfois moins pratique à l'attache. Pour le coton, l'attache sera plus pratique mais la couleur souvent moins naturelle. Pour les élastiques, gardez à l'esprit qu'ils ne doivent pas gâcher l'esthétisme des rubans chevauchant la cheville.
Selon la matière, le ruban peut être parfois repassé au fer. Les extrémités des rubans sont coupées en diagonale. Si le tissu commence à s'effilocher, la flamme d'un briquet ou le pinceau d'un vernis est le bienvenu. Une fois la pointe parfaitement lacée, le surplus de ruban est coupé de façon à glisser le bout sous l'attache.
Comment personnaliser ses rubans ?
Pour permettre à l'attache de ne pas compresser la cheville, un élastique de même largeur est cousu au chausson sur 2 centimètres environ et suivi du ruban. Dans cette même idée, un élastique peut être cousu à la moitié du ruban à 15 centimètres environ du départ. Il viendra se situer à l'attache sur le tendon d'Achille pour amoindrir le risque de tendinite, comme sur la photo ci-dessus.
Comment cacher les petits bouts des rubans une fois noués ?
Pour éviter que les bouts de rubans ressortent durant une représentation, diverses astuces existent comme faire un petit point de couture, coller un petit sparadrap par-dessus le nœud, mettre de la laque à cheveux... Il faut aussi cacher le nœud situé en haut de l'empeigne, appelé cordon de serrage. Si vous ne souhaitez pas les couper après les avoir noués, fixez-les avec un sparadrap à l'intérieur du chausson.
Assouplir ses pointes
Chaussés et lacés, les chaussons nous rappellent leur particularité : la dureté. Alors on les brise, on les casse, on les plie, on les écrase... Cela consiste à assouplir les matériaux de la pointe pour la rendre plus confortable.
Selon l'expérience et la force de pied, cette étape sera peu ou pas importante. De même selon la marque de pointes, un simple cours suffira pour les modeler. Parlez-en à votre professeur.
L'étape principale est de modeler le chausson et d'acquérir la 1/2 pointe. Pour cela, poussez fortement votre pied sur les 1/2 pointes ou enchaînez les relevés sur 1/2 pointes. Le passage par cette dernière doit être facile.
Le pied chauffe, transpire, la pointe s'assouplit créant la forme des orteils. Le pied crée son espace, commence à ressentir le sol et le poids du corps. Vous pouvez aussi chausser vos pointes à la maison. Couvertes de grosses chaussettes pour ne pas les abîmer, vaguez à vos occupations.
L'écrasement de la coque et le pliage de la semelle sont aussi possibles mais dépendent énormément de votre choix en types de pointes. Les possibilités et les formes sont de plus en plus diverses. Si le "cassage" prend du temps ou est trop important, le choix des pointes est à revoir. Vous ne devez pas supporter vos pointes mais simplement les porter.
Soigner ses pointes
Le temps passant, le satin sur le bout de pointe s'abîme. Vous pouvez le découper au fur et à mesure ou bien l'enlever sur tout le contour de la plateforme.
Dans ce cas, vernissez les pourtours. Le bout peut être personnalisé, soit par un embout de cuir collé soit en le brodant.
Comment broder ses pointes ?
La broderie de la pointe relève pour certaines de la haute couture. Un coup de poignet est à prendre. Malgré la facilité du point de couture, sa réalisation prend un certain temps.
Il vous faut une grosse aiguille de type à tapisserie avec pointe et un fil de coton assez épais. Faites un nœud au bout du fil.
Plantez l'aiguille à l'extrémité de la plateforme de votre chausson, du bas vers le haut.
Faites une boucle de la droite vers la gauche. L'aiguille sera à l'intérieur de la boucle.
Puis piquez l'aiguille du bas vers le haut à côté du point précédent.
Tirez le fil et répétez l'opération.
Dissimulez le nœud d'arrêt d'un point et coupez le surplus du premier nœud une fois la couture achevée (technique réalisée par une droitière). Vous pouvez le réaliser autour de la plate-forme, en spirale ou en ligne.
La broderie peut aussi être réalisée sur le dessus du chausson pour agrandir l'empeigne du chausson et mieux étreindre le pied.
Avec le même fil, cousez de droite à gauche afin de former une toile.
Sur l'un des côtés, le point sera fait par-dessus, de l'autre par-dessous. Attention : la broderie est un ajout sur la pointe, il modifiera l'esthétisme de votre chausson.
Comment nettoyer ses pointes ?
Le satin du chausson attire la lumière mais aussi les traces. Pour le nettoyer, frottez avec un coton imbibé d'acétone. D'autres danseuses préfèrent matifier leurs pointes, soit pour les ajuster à la couleur du collant soit pour les porter jambes nues. Pensez au maquillage en poudre ou compact pour optimiser la couleur de la pointe. Il existe désormais des pointes avec un revêtement tissu.
De la même façon, il existe des pointes de couleur. Vous pouvez les teindre vous-même à la bombe à tissu. Dans ce cas, prenez une 1/2 pointure au-dessus car le produit peut rétrécir le tissu.
Et la semelle ?
Si vos pointes sont glissantes sur le plat, faites des petites encoches sur la semelle extérieure au cutter.
Si la semelle intérieure vous blesse vous gêne ou vous empêche de ressentir le point d'appui à hauteur du talon, vous pouvez la couper, toujours à l'intérieur du chausson et à la longueur de votre talon.
Pour cela, décollez la semelle intérieure très fine qui dévoile une semelle interne, dure. Coupez-la sur les 2 à 3 premiers centimètres (pas plus) à l'aide d'un cutter et poncez le bout de semelle pour avoir un effet moins rugueux sous le pied. Testez et recoupez si nécessaire. Cette opération est impossible sur les semelles en plastique.
Epilogue - Garder ses pointes le plus longtemps possible
Il vous faut danser le prologue et l'acte réel. L'acte blanc peut être suivi en coulisse. Mais le retour en scène pour l'épilogue est indispensable.
Les pointes nécessitent une attention après chaque utilisation. Elles ont besoin d'être aérées car la colle, la chaleur et la transpiration du pied ramollissent le chausson. Laissez vos pointes à l'air libre ou au réfrigérateur. Vous pouvez aussi les bourrer de papier (toilettes, cuisine ou journal).
Selon la forme de votre pied, privilégiez l'alternance entre le chausson droit et gauche. De même, alternez vos paires.
Lorsque vos pointes seront suffisamment ramollies et confortables, vous pourrez envisager de les vernir. Du vernis à bois ou du durcisseur sera appliqué à l'intérieur du chausson sur la semelle et/ou sur le bout du chausson. Vous pouvez aussi utiliser de la Super Glue.
Avant l'application de ces produits, vérifiez qu'il n'y a pas d'impuretés, de reste de coton ou autres. N'imprégnez pas le satin de la partie postérieur du chausson afin de ne pas le tâcher. Lors du séchage, vous pouvez laisser les chaussons à plat, ou sur le bout accolés au mur.
Chaque danseuse expérimente avec le temps la meilleure préparation des chaussons selon ses goûts, son pied et sa façon de travailler. Vous êtes l'unique personne à ressentir ce qui vous convient.
Le conseil perso de Julie Charlet, Soliste au Ballet du Capitole.
"Si j'ai l'impression que mes pointes sont un peu fragiles quand je les reçois, il m'arrive parfois de les mettre un peu au four. 60°C, pas plus !
Plus traditionnellement, je commence par coudre les rubans et les élastiques. Ensuite, je coupe la semelle intérieure au niveau du talon pour plus de confort à pied plat.
Je vernis l'intérieur du chausson (semelle et empeigne) afin qu'ils restent durs le plus longtemps possible, puis je les laisse sécher quelques jours.
Avant de les mettre pour la première fois, je les assouplis au niveau du talon et de la demi-pointe".
Source : https://www.dansesaveclaplume.com/
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